Affect : Différence entre versions

De Le Parergon
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C'est d'abord en [[musique]] que la question de l'affect se pose pour moi.  Chez plusieurs auteurs l'affect est produit par la mimésis. C'est ainsi qu'une tragédie parfaite « devrait... imiter les actions qui excitent la pitié et la crainte » affirme Aristote dans la ''Rhétorique'' (2.13). Gilles Deleuze dans ''L'Abécédaire'' explique que, de même que le philosophe rend pensables des forces impensables et que le peintre rend visibles des forces invisibles, le musicien rend audibles des forces inaudibles<ref>Gilles DELEUZE et Claire PARENET, ''L’Abécédaire de Gilles Deleuze'', produit et réalisé par Pierre-André
 
C'est d'abord en [[musique]] que la question de l'affect se pose pour moi.  Chez plusieurs auteurs l'affect est produit par la mimésis. C'est ainsi qu'une tragédie parfaite « devrait... imiter les actions qui excitent la pitié et la crainte » affirme Aristote dans la ''Rhétorique'' (2.13). Gilles Deleuze dans ''L'Abécédaire'' explique que, de même que le philosophe rend pensables des forces impensables et que le peintre rend visibles des forces invisibles, le musicien rend audibles des forces inaudibles<ref>Gilles DELEUZE et Claire PARENET, ''L’Abécédaire de Gilles Deleuze'', produit et réalisé par Pierre-André
Boutang, Paris, Éditions Montparnasse, 2004. </ref>. L'art est compris par Deleuze comme « capture des forces ».  
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Boutang, Paris, Éditions Montparnasse, 2004. </ref>. L'art est compris par Deleuze comme « capture des forces ».  Pour moi, l'affect musical est aussi une capture.
  
 
== L'affect deleuzien ==
 
== L'affect deleuzien ==

Version du 4 juin 2022 à 18:18

C'est d'abord en musique que la question de l'affect se pose pour moi. Chez plusieurs auteurs l'affect est produit par la mimésis. C'est ainsi qu'une tragédie parfaite « devrait... imiter les actions qui excitent la pitié et la crainte » affirme Aristote dans la Rhétorique (2.13). Gilles Deleuze dans L'Abécédaire explique que, de même que le philosophe rend pensables des forces impensables et que le peintre rend visibles des forces invisibles, le musicien rend audibles des forces inaudibles[1]. L'art est compris par Deleuze comme « capture des forces ». Pour moi, l'affect musical est aussi une capture.

L'affect deleuzien

Pour Gilles Deleuze, les affects peuvent être créés par les artistes, en particulier les musiciens, et sont donc indépendant du sujet ; la musique est essentiellement une question d'affect[2]. Le concept d'affect de Deleuze renvoie à celui d’affectus de Spinoza... à la capacité à affecter et à être affecté. L'affect renvoie aux « modifications du corps par lesquelles la puissance active dudit corps est augmentée ou diminuée, aidée ou contrainte, et aussi les idées de cette modification » (Spinoza, 130). Étymologiquement, l'affect du latin affectus se distingue de l'affection du latin affectio. Le premier est une force affectante, le second est un état. Contrairement au sentiment, par exemple, l'affect renvoie à l'intensité de la transition d'un état du corps (fondé sur l'expérience) à un autre. Dans l'ordre de l'expérience, une telle transition entraîne, existentiellement, une croissance ou une décroissance du pouvoir corporel d'agir. C'est une modification qui ne me laisse pas indifférent. En conséquence, l'affect produit l'activité humaine et l'activité humaine produit l'affect. L'affect est donc un entre-deux, un passage, un portail. Enfin, contrairement à l'affection, l'affect a une capacité notable à être conservé.

« L'œuvre d'art est un être de sensation [...] les harmonies sont des affects. Consonnance et dissonance, harmonies de ton et ou de couleur, sont des affects de la musique et ou de la peinture. L'artiste crée des blocs de percepts et d'affects, mais la seule loi de la création est que le composé doit se suffire à lui-même... » (Deleuze).

« Le style est purement auditif », dit-il. Le musicien est alors une sorte de traducteur en ce qu'il fait sonner ceci et cela qui agit sans être perceptible par l'oreille... Question deleuzienne concernant la boîte à rythmes : non pas ce qu'elle imite (la batterie), mais ce qu'elle peut faire... L'esthétique industrielle que permet la boîte à rythmes est différente de l'esthétique que permet la batterie traditionnelle.

L'expérience du sublime

Dans le romantisme, l'affect de l'expérience musicale est celui du sublime. C'est l'expérience de se sentir petit en présence d'une musique qui s'élève au-dessus de toutes les limites, qui tente de saisir l'infini. Je dirais qu'affect est synonyme d'affectant ou force affectante. L'affect est ce qui engendre des affections, comme le percept est ce qui engendre de la perception et le concept ce qui engendre de la conception. Les signes musicaux, en tant que forces affectantes apparaissent de manière à agir sur l'auditeur avec qui la rencontre a lieu.v Ainsi, l'acte de composer est un acte de captation d'affects, tandis que l'œuvre musicale est une conservation d'affects. L'affect devient une chose par la mimésis : nous pouvons donc le qualifier de chose-affect, comme nous le qualifions explicitement de marche arrière. Cette activité nous soumet à un travail intentionnel, soit idée-travail, soit travail-idée.

L'affect chez Frank Zappa

« Si la simultanéité opère le plan des synthèses, le Rythme génère par lui-même l’expression organique du diagramme musical : l’harmonie réside dans cette simultanéité des coexistences ; elle met en évidence l’unité de l’œuvre. Le simultanéisme réalise l’un-tout d’un cosmos devenu acoustique, harmonie compossible des flux sonores[3] ».

Récit d'exception : une expérience esthétique... lorsque j'ai entendu deux morceaux de musique en même temps.

Conception, naissance, maïeutique, maïeuticien, sage-femme, sage-homme, sage-humain

Notes

  1. Gilles DELEUZE et Claire PARENET, L’Abécédaire de Gilles Deleuze, produit et réalisé par Pierre-André Boutang, Paris, Éditions Montparnasse, 2004.
  2. Une phénoménologie - étude de l'existence telle qu'elle est vécue - de l'acte de composer de la musique donne de précieuses indications sur la nature de la musique.
  3. Richard PINHAS, Les Larmes de Nietzsche. Deleuze et la musique, préface de Maurice G. Dantec, Paris, Flammarion, 2001.