Accord : Différence entre versions

De Le Parergon
Sauter à la navigation Sauter à la recherche
Ligne 1 : Ligne 1 :
 
{{DISPLAYTITLE:''Accord''}}
 
{{DISPLAYTITLE:''Accord''}}
''Accord'' pour n'importe(s) quel(s) instrument(s) (2008) est une composition dans laquelle l'action d'accorder un instrument de musique, autrement dit l'opération qui consiste à établir des équivalences entre les fréquences des notes jouées sur un instrument et la fréquence fondamentale de la vibration, est mise en musique. Ce réglage de l'uniformité des vibrations d'une corde qui se fait au moyen d'un diapason transfigure une action involontairement artistique, accidentellement stylistique, en une « performance » volontairement esthétique.  
+
''Accord'' pour n'importe(s) quel(s) instrument(s) (2008) est une composition dans laquelle l'action d'accorder un instrument de musique, autrement dit l'opération qui consiste à établir des équivalences entre les fréquences des notes jouées sur un instrument et la fréquence fondamentale de la vibration, est mise en musique. Ce réglage de l'uniformité des vibrations d'une corde qui se fait au moyen d'un diapason transfigure une action involontairement artistique, accidentellement stylistique, en une « performance » volontairement esthétique. Le titre ''Accord'' est un jeu de mots (le jeu de mot participe à la conception de l'œuvre, c'est pourquoi nous le mentionnons), un double sens : d'une part, l'action d'accorder un instrument, d'autre part, l'association de sons simultanés et harmoniques, c'est-à-dire ayant des relations de fréquence codifiées esthétiquement. Les sons bruts sont transfigurés en donnant un nouveau sens au processus d'accord de l'instrument. Pour ce faire, un changement de contexte doit avoir lieu afin que l'opération ne se déroule plus de manière anonyme, mais publiquement (en plaçant le piano désaccordé sur la scène d'une salle de concert devant un public). Cette action d'accorder renvoie à l'[[affect]] de l'ajustement des homogénéités, au sentiment de l'ajustement des égalités, à l'émotion, à l'amour du paramétrage des unités, des régularités, des ressemblances. Dans la version originale pour piano, lorsque l'interprète règle l'intonation de l'instrument en manipulant les chevilles avec une clef d'accord, il a affaire avec de l'incertitude, de l'indétermination, car l'instrument est un objet matériel, et son intonation est variable. J'aime utiliser le mot « spectral » en parlant de cette œuvre, pour renvoyer le public à l'utilisation de l'''entre-deux'' par Giacinto Scelsi. Contrairement à ce qui se passe lorsque les notes sont finies et stables, avec des hauteurs définies, le timbre de l'instrument est ici vague et brumeux, flou et fumeux, incertain et ombrageux, indécis et nuageux, voire néo-pointilliste, comme si l'instrument était son propre spectre, son apparition, son rêve, son double, son fantôme halluciné, comme une idée fixe, un fantasme constant, une ''revenance'', un simulacre.
 
 
Le titre ''Accord'' est un jeu de mots (le jeu de mot participe à la conception de l'œuvre, c'est pourquoi nous le mentionnons), un double sens : d'une part, l'action d'accorder un instrument, d'autre part, l'association de sons simultanés et harmoniques, c'est-à-dire ayant des relations de fréquence codifiées esthétiquement.  
 
 
 
Les sons bruts sont transfigurés en donnant un nouveau sens au processus d'accord de l'instrument. Pour ce faire, un changement de contexte doit avoir lieu afin que l'opération ne se déroule plus de manière anonyme, mais publiquement (en plaçant le piano désaccordé sur la scène d'une salle de concert devant un public). Cette action d'accorder renvoie à l'[[affect]] de l'ajustement des homogénéités, au sentiment de l'ajustement des égalités, à l'émotion, à l'amour du paramétrage des unités, des régularités, des ressemblances. Dans la version originale pour piano, lorsque l'interprète règle l'intonation de l'instrument en manipulant les chevilles avec une clef d'accord, il a affaire avec de l'incertitude, de l'indétermination, car l'instrument est un objet matériel, et son intonation est variable.
 
 
 
J'aime utiliser le mot « spectral » en parlant de cette œuvre, pour renvoyer le public à l'utilisation de l'''entre-deux'' par Giacinto Scelsi. Contrairement à ce qui se passe lorsque les notes sont finies et stables, avec des hauteurs définies, le timbre de l'instrument est ici vague et brumeux, flou et fumeux, incertain et ombrageux, indécis et nuageux, voire néo-pointilliste, comme si l'instrument était son propre spectre, son apparition, son rêve, son double, son fantôme halluciné, comme une idée fixe, un fantasme constant, une ''revenance'', un simulacre.
 

Version du 31 mai 2022 à 09:20

Accord pour n'importe(s) quel(s) instrument(s) (2008) est une composition dans laquelle l'action d'accorder un instrument de musique, autrement dit l'opération qui consiste à établir des équivalences entre les fréquences des notes jouées sur un instrument et la fréquence fondamentale de la vibration, est mise en musique. Ce réglage de l'uniformité des vibrations d'une corde qui se fait au moyen d'un diapason transfigure une action involontairement artistique, accidentellement stylistique, en une « performance » volontairement esthétique. Le titre Accord est un jeu de mots (le jeu de mot participe à la conception de l'œuvre, c'est pourquoi nous le mentionnons), un double sens : d'une part, l'action d'accorder un instrument, d'autre part, l'association de sons simultanés et harmoniques, c'est-à-dire ayant des relations de fréquence codifiées esthétiquement. Les sons bruts sont transfigurés en donnant un nouveau sens au processus d'accord de l'instrument. Pour ce faire, un changement de contexte doit avoir lieu afin que l'opération ne se déroule plus de manière anonyme, mais publiquement (en plaçant le piano désaccordé sur la scène d'une salle de concert devant un public). Cette action d'accorder renvoie à l'affect de l'ajustement des homogénéités, au sentiment de l'ajustement des égalités, à l'émotion, à l'amour du paramétrage des unités, des régularités, des ressemblances. Dans la version originale pour piano, lorsque l'interprète règle l'intonation de l'instrument en manipulant les chevilles avec une clef d'accord, il a affaire avec de l'incertitude, de l'indétermination, car l'instrument est un objet matériel, et son intonation est variable. J'aime utiliser le mot « spectral » en parlant de cette œuvre, pour renvoyer le public à l'utilisation de l'entre-deux par Giacinto Scelsi. Contrairement à ce qui se passe lorsque les notes sont finies et stables, avec des hauteurs définies, le timbre de l'instrument est ici vague et brumeux, flou et fumeux, incertain et ombrageux, indécis et nuageux, voire néo-pointilliste, comme si l'instrument était son propre spectre, son apparition, son rêve, son double, son fantôme halluciné, comme une idée fixe, un fantasme constant, une revenance, un simulacre.