Affect
La musique, chez Roland Barthes, est essentiellement question d'affect[1]. Mot français pour le latin affectus, affect se distingue d'affection, qui est la traduction française du latin affectio. Quand Gilles Deleuze parle d'affect, il renvoie à l'affectus de Spinoza. Tandis que l'idée est mode de pensée représentatif (l'idée de est le mode de représentation de), l'affect est mode de pensée non représentatif.
L'affect c'est la capacité à affecter et à être affecté.
Contrairement au sentiment, il s'agit d'une intensité pré-personnelle. Cette intensité est la transition d'un état du corps (fondé sur l'expérience) à un autre. Dans l'ordre de l'expérience, une telle transition entraîne, existentiellement, une croissance ou une décroissance du pouvoir corporel d'agir.
L'affect chez Spinoza : « les modifications du corps par lesquelles la puissance active dudit corps est augmentée ou diminuée, aidée ou contrainte, et aussi les idées de cette modification » (Spinoza, 130).
En conséquence, l'affect produit l'activité humaine et l'activité humaine produit l'affect.
L'affect est un entre-deux, un passage, un portail.
Il faut avoir écouté de nombreuses compositions de différentes périodes et de différents compositeurs pour se sentir chez soi dans le monde de la musique. En effet, de même qu'il faut avoir lu de nombreuses œuvres d'écrivains différents pour comprendre la nature du texte, il faut avoir ressenti, vécu et construit tout un univers musical pour pouvoir l'apprécier. C'est donc par un investissement affectif dans la musique que l'on peut l'appréhender. C'est aussi par un investissement affectif que l'on peut lui donner vie. Le pouvoir de transformation de la musique est un mystère qui semble être lié, entre autres, à l'horizon d'attente de l'auditeur. Plus un auditeur est familier avec un style de musique particulier, moins il est susceptible d'être surpris par une œuvre de ce style. En revanche, un auditeur qui ignore tout de la musique a plus de chances d'être surpris par une œuvre, quel que soit son style, qu'un auditeur qui connaît les œuvres précédentes du compositeur.
Dans le romantisme, l'affect de l'expérience musicale est celui du sublime. C'est l'expérience de se sentir petit en présence d'une musique qui s'élève au-dessus de toutes les limites, qui tente de saisir l'infini.
Chez plusieurs auteurs l'affect est produit par la mimésis. Par exemple, une tragédie parfaite « devrait... imiter les actions qui excitent la pitié et la crainte » (Aristote, Rhétorique 2.13)
Références
- ↑ Une phénoménologie - étude de l'existence telle qu'elle est vécue - de l'acte de composer de la musique donne de précieuses indications sur la nature de la musique.
→ Conception, naissance, maïeutique, maïeuticien, sage-femme, sage-homme, sage-humain