Catalogue de blues
Catalogue de blues (2008- ) est un cycle de contrafacta de standards de blues. « Autoréflexifs », les airs instrumentaux de ce cycle font partie du continuum du blues : ce sont des tentatives personnalisées de jouer ce qui est déjà un héritage personnel et collectif, et une tentative d'explorer le champ des possibles de ce langage musical. C'est une tentative de me placer au milieu de cet héritage musical et d'en faire un véhicule d'expérimentation de la forme et de la technique de mon langage musical, ainsi que de réflexion et d'auto-éducation, afin de pouvoir comprendre et être compris au sein même de cet héritage musical. De cette manière, mon cycle fonctionne comme plan directeur (blueprint) du « [blues] qui vient[1] ». C'est ma façon de faire du blues, au sens le plus large du terme. L'œuvre est certes incomplète, mais contient plusieurs méthodes différentes pour aborder le blues, qui est l'une des formes les plus importantes et les plus influentes de la musique américaine.
Le cycle dialectise le genre et la recontextualisation de son esprit originel dans le contexte de la musique contemporaine (Blues pour Igor, Blues pour Henry, Blues pour Olivier, Blues pour Pierre, sur le fragment suivant d'une série de Boulez : fa – si – do – sol – si b – la b – mi b – mi, Blues pour György, Blues pour Karlheinz, dont l'arrangement comporte, bien sûr, des sons d'hélicoptères, Blues pour Philip, Blues pour Steve, Blues pour Arvo et Blues pour Frank). Par exemple, Blues for Pierre est la rencontre entre chicago blues et sérialisme, tandis que le Blues pour Arvo mélange la nouvelle simplicité avec le Delta Blues, notamment à travers l'usage stéréotypé du bottleneck. La recherche de techniques idiosyncratiques à utiliser est une partie importante du travail : j'utilise, ou ai utilisé, un large éventail de méthodes et de moyens, allant du glissando et du cluster, à l'utilisation de gammes non occidentales, en passant par les techniques dodécaphonismes et du sérialisme. On y retrouve aussi des mesures asymétriques, des cris d'animaux, de l'aléatoire. Malgré la radicalité de ces procédés musicaux, je tente d'embrasser l'esthétique du bluesman, en particulier, la tradition d'auto-mythologie et de poétisation du vécue qui l'entoure.