Musique
Autoréflexive, ma musique n'est pas sans produire un effet de distanciation, révélant la dépendance de l'œuvre à son contexte. Elle pose alors les questions suivantes : « Qu'est-ce que la musique ? » et « Qu'est-ce que la bonne musique ? », et vise à faire entrer l'auditeur lui-même dans une autoréflexion.
C'est une manière de me rendre audible et de m'expliquer, mais aussi de métamorphoser l'auditeur, de l'inciter à agir, de le transformer en artiste.
Une musicalisation du processus de musicalisation ? Une tentative de restituer, ou plutôt de rétablir l'ordre, les raisons, la solidité de la perception ?
Dans la lignée de Mauricio Kagel, Frank Zappa et John Zorn, c'est une critique institutionnelle qui, à travers l'humour au second degré, traverse l'informatique musicale, le jazz et la musique concrète instrumentale dans une « continuité conceptuelle », pour reprendre une expression de Zappa, qu'il s'agit ici d'établir. Cette exploration est une description et une explication du processus de création en lui-même, allant de l'inspiration à la composition à la performance à la documentation et vice-versa.
Sommaire
Contexte
Deux grands domaines, qui occupent à eux deux plus de la moitié de mon catalogue, sont privilégiés dans ma production : le jazz et la musique contemporaine. Ma musique s'enracine dans ces deux traditions, relevant essentiellement de deux logiques instrumentales différentes : le piano et la batterie.
- Catalogue de blues (2008- ) : un cycle de contrafacta de standards de blues.
- Accord pour n'importe(s) quel(s) instrument(s) (2008).
- Paralipomena (2009- ) : la thématique en est le parergon (à ce sujet, je renvoie à mon inachevé La vérité en musique (2021- ). Le cycle comprend Applaudissements pour auditeur (2009). Ses œuvres portent sur la problématique du cadre. La signature transforme la situation au niveau de la réception. L'accessoire n'a pas le même s'il est à l'intérieur ou à l'extérieur du cadre.
- Matériaux et outils (2012-2015), par exemple, fait de l'ouvrier-constructeur l’interprète d'une œuvre dans laquelle des outils et des matériaux de construction font office d'instruments de musique. Comprendre les outils comme des instruments, c'est comprendre que la façon dont ils sont utilisés détermine la façon dont ils sont joués par l'interprète. Marteau, tournevis, pioche, ciseau, coupe-boîte, haches, buis, pistolet à calfeutrer, ruban de soudage, vernier, urne de forage, baguette de soudage, tuyau d'eau, pinceau, scie, coupe-câble, nécessitent une manipulation parfois agressive parfois délicate qui fait un monde de différences pour l'auditeur. Les actes de construction, de réparation, de démontage produisent des effets musicaux de boucles, de trilles, d'études, de motifs contrapuntiques, de polyrythmies, soit des cycles de tensions et de résolutions. Les sonorités pointent directement vers la relation entre l'instrument et l'action. Si les objets et les outils sont des instruments, nous pouvons comprendre leur utilisation par laquelle les interprètes créent des notes de musique, révélant ainsi la nature du langage et sa relation avec la musicalité humaine. Le passage de l'instrument-outil à l'outil-instrument sert à questionner l'essence de la musique. Aussi, je pense que cette œuvre montre comment un outil ou une structure de travail peut être utilisé pour construire une notation musicale. De cette manière, l'auditeur apprend à conceptualiser la tâche musicale sous forme de notation instrumentale plus ou moins ouverte, même sans connaître le langage musical dans lequel la tâche est exécutée.
- Catalogue de téléphones pour percussions à sons déterminés (2013).
- Accessoires : musique pour instruments à effet.
- Domaines : dans ce cycle, chaque scène, c'est-à-dire le cadre musical de l'exécution, est le vrai terrain. Pour créer une œuvre à partir de ce cadre, l'interprète doit devenir un virtuose.
- Computer Jazz (2021- ), dans ce cycle, j'utilise des algorithmes pour composer des mélodies intrinsèquement à partir de grilles harmoniques.
- ? : j'utilise des algorithmes complexes pour produire des motifs irréguliers. Pour les deux premiers morceaux, j'ai utilisé des générateurs de nombres aléatoires et des patchs organisés de manière à ce que de nouvelles mélodies soient formées chaque fois que j'active le programme informatique.
C'est une musique autoréflexive, dans la mesure où elle s'explique à travers des principes mathématiques forts et explicitent qui régissent son existence.
Parfois les accords entrent en collision, dialogue d'une manière étrange ; après tout, ces accords sont travaillés algébriquement...
Ceci est réalisé au moyen d'un ensemble de notes qui se mappent les unes les autres dans une séquence d'intervalles données. Les intervalles sont écrits sur une ligne horizontale (pour obtenir des grilles orthogonales).
This sort of way of working may be called an excursion or a "creative maneuver", or "retro-scales".
Toutes mes compositions sont définies par des motifs d'ornements irréguliers (tels que des motifs mélodiques). Chaque mélodie
- Standards (2021- ); (Stroboscopie).
- Strates, Métaux lourds.
Cadre artistique
- John Cage : la technique du « piano préparé » (1938).
- Mauricio Kagel : le jeu entre musique et non-musique.
- Olivier Messiaen : la majestuosité de son orchestration et ses transcriptions pour orchestre de chants d'oiseau.
- Frank Zappa : le mélange des styles, la densité stastitique.
- John Zorn : les faux-raccords musicaux.
Références théoriques
- Adorno, Theodor W.
- Slonimsky, Nicolas
Problématique
Les sphères auditive et intellectuelle sont liées l'une à l'autre, elles sont intégrées. Ma démarche consiste à chercher le pont entre ces deux sphères.
- Je cherche à être musicalement versatile, c’est-à-dire à pouvoir jouer de n’importe de quel genre musical, tout en maintenant une image de marque ou continuité conceptuelle cohérente. L’une des problématiques liées à cette volonté est liée à la pluridisciplinarité de ma pratique artistique. En effet, se pose la question de la cohérence de mon discours dans diverses formes d’art. Il s’agit de maintenir l’esprit du mouvement artistique que j’entends développer.
Chaque cycle me pose de nouveaux problèmes ; ce sont les parties d’un tout ; aucun cycle n’essaie d'améliorer le précédent. Je cherche à m'inscrire dans ce que Frank Zappa appelle la « continuité conceptuelle ». C’est en ces termes que je circonscrirais ma démarche : la génération urgente de manifestations esthétiques au sein d’une auto-poïétique obsessive.
- l’acte de composition.
- les contraintes compositionnelles
- le matériau et l'outil.
- le fond et la forme.
C’est pourtant l’écart qui semble caractériser mes compositions.
Approche
En adoptant un regard critique sur les formes musicales contemporaines, en exploitant les failles de leurs manifestations plus ou moins convenues...
Je cherche à produire effet de distanciation, dévoilant la dépendance de l’œuvre à son contexte. Elle est spécifiquement développée pour les contextes de l'institution musicale. Le contexte est en lui-même une œuvre qui mérite à elle seule un examen approfondi.
Je dois être conscient de la situation historique et des conditions culturelles qui m'entourent. De cette manière, je peux évaluer comment mon travail s'inscrit dans le contexte global. Cela est vrai du point de vue de l'infrastructure, de l'esthétique, de la hiérarchie sociale et de l'économie politique. La nouvelle technologie du son doit pouvoir refléter la musique du futur. La musique du futur doit pouvoir refléter la musique du passé. Comment cela peut-il être accompli? Comment produire un art qui puisse répondre et intégrer les traditions du passé, tout en anticipant l'avenir ? Pour créer un art qui peut à la fois refléter et propulser dans le futur, nous devons être conscients du présent et de nos propres circonstances. La situation historique actuelle invite à une nouvelle forme musicale: l'œuvre qui est capable de réfléchir et d'engager des conversations avec le passé et le futur. Ces conversations et négociations du passé avec le présent et le futur sont pour moi les plus complexes, les plus exigeantes et les plus intéressantes. Une conversation qui réunit l'histoire de la musique, les idéologies de la politique et de la culture actuelles et les innovations techniques de la technologie future. La situation politique est une situation de conflit. Ce conflit est un conflit d'idées. C'est un conflit du passé avec le futur. C'est un conflit entre des individus, des groupes et des nations. Le conflit est actif et immédiat, il est violent et horrible, il est moral et légal. Le conflit est aussi une constante, comme les vagues que le marin regarde rouler sur le rivage. Comment réagissons-nous à ce conflit? Comment le nouveau peut-il interagir avec l'ancien, comment le passé peut-il être incorporé dans le présent et comment l'avenir peut-il refléter le passé ? Le conflit d'idées est un aussi un conflit d'esthétique. La musique, comme tout art, est le reflet et la mesure de d'une culture.
- La transcription musicale d'objets sonores concrets ;
- L'improvisation sur instruments MIDI ;
- L'informatique musicale ;
- La polyrythmie ;
- La rationalisation des affectes musicaux.
Ce type de travail peut être appelé excursion ou "manœuvre", ou "rétro-échelles".
Je suis responsable de ce que je propose au public.
C'est, en un sens, une sorte de théâtre révélant le processus de la pièce plutôt que de se concentrer simplement sur son action. « Je suis donc spectateur aussi de ma musique »[1].
La mécanologie musicale, l'étude des machines ou des mécaniques musicales, est une nouvelle discipline qui se concentre sur la compréhension du fonctionnement des instruments et dispositifs de la musique (voir Introduction à la musique générale). Nous étudions les machines musicales afin de mieux comprendre la mécanique musicale dans son ensemble. Nous ne nous attendons pas à une compréhension machine-musicien de la mécanique ; nous espérons changer le paradigme de la musicalité et de la construction musicale. Nous visons à porter à un nouveau niveau la théorie et la pratique des performances des machines. Nous utilisons les machines pour étudier ce que l'artiste fait avec les instruments (voir les Aperçus et les conférences Ici et maintenant). Nous ne nous attendons pas à ce que nos méthodes génèrent de grandes découvertes scientifiques. Nous pensons que nos méthodes sont des « jouets théoriques », les machines utilisées pour jouer (ce que fait l'artiste). Nous utilisons les modèles pour progresser dans la théorie des performances des machines et des machines créatives (voir Introduction générale). Nous n'avons qu'une hypothèse sur ce que les machines peuvent faire (voir Hypothèse). Nous nous attendons à ce que les créateurs découvrent leurs machines autant que les autres artistes, les artistes joueront de leurs machines, les artistes feront interagir leurs machines avec la musique.
Références
Bibliographie
- ALAIN, Système des Beaux-Arts, Paris, Gallimard, 1963.