Ready-made

De Le Parergon
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Le ready-made est un objet (ou un ensemble d'objets) trouvé élevé au rang d'objet d'art par choix (ce choix n'est jamais aussi simple qu'il n'y paraît) artistique. Inventé par Marcel Duchamp, le ready-made ou objet trouvé est généralement créé à partir d'objets ou de produits non dissimulés, mais souvent modifiés, qui ne sont normalement pas considérés comme des matériaux à partir desquels l'art est fabriqué, souvent parce qu'ils ont déjà une fonction non artistique. Ce sont généralement des objets manufacturés. Je voudrais ici discuter des objets trouvés de Duchamp, en m'inspirant des idées développées par les théoriciens actuels de l'appropriation en art et de mes propres « objets trouvés » qui comprennent, notamment, les objets inversés, qui sont des objets qui déforment intentionnellement ce qui serait autrement leur fonction régulière, des objets par exemple qui ne se montrent que comme support / médium d'un nouveau concept, d'une nouvelle symbolique, et comme interpellation à vivre une expérience nouvelle. Les ready-mades assistés sont des ready-mades dont l'objet a subi une simple transformation. L'objet peut par exemple avoir été retourné, suspendu ou associé... Les ready-mades aidés (ajout d'un détail graphique de présentation), ready-mades « assistés », ready-mades « rectifiés » et même un ready-made « réciproque ». Comme inversés quant à leur fonction commune... des produits inversés, qui utilisent les structures d'objets normaux pour exprimer une forme plus abstraite; présent sous un angle et non sous l'angle prévu, généralement utilisé pour fournir une double information au moyen d'une caractéristique spécifique de l'objet.

Le choix de l'artiste n'est pas une évidence, car comment différencier un bon choix d'un mauvais choix ? À travers leurs créations, les artistes matérialisent leurs évaluations culturelles (et leurs choix sont souvent absolutisés), en espérant qu'elles seront acceptées, approuvées ou passeront pour assez bonnes pour être transmises aux générations futures. Dès lors que l'horizon romantique s'étend au-delà du vivant à la consommation absolue de l'artefact culturel, l'acceptation ou le rejet d'une œuvre fait partie du processus de spiritualisation de l'art et est finalement déterminée par l'évaluation culturelle de l'individu de génie. Cette idée, en conjonction avec celle de zeitgeist, transforme l'âge de l'artiste et l'âge du consommateur en un espace temporel que l'on pourrait qualifier de fusion de l'hégélisation du temps et de l'hyperindividualisme artistique. Dans le cas des peintures, l'art est alors atteint par une version remplie des exigences esthétiques et de l'artiste de la consommation et du consommateur de l'art. La fascination pour le trivial (au double sens ici de vulgaire, contraire aux bons usages, et d'ordinaire, commun, banal) n'est pas sans affinité avec l'attirance pour l'absurde ou le dadaïsme. Le travail de Duchamp, par exemple, a été célébré comme grand art sur la base de la puissance de sa répudiation de l'artisanat et de son élévation de la valeur pure du concept d'art dans un même tour de force. En même temps, cette fascination est aussi un désir instinctif (l'instinct animal): le banal et l'essentiel sont au départ insuffisants pour s'exprimer. Comme l'aliénation lacanienne[1], la Roue de bicyclette évoque l'ennui et l'inaction. Il faut dire qu'elle ne présente pas de propositions incassables, en termes de néant et d'indifférence au détail technique et à l'intuition. Prétendre que cette roue est la chose la plus simple imaginable nécessitera donc des spéculations. À première vue, la simplification du désir s'impose. Mais le quotidien apparemment neutre du regardeur se transforme en une relation situationniste de passivité et de mouvement impossible. Il s'ensuit donc que, puisque l'esprit est retenu captif dans ce passe-temps, il se rebelle continuellement contre la perception paradoxale du temps et de la vérité. Chez Lancan, l'aliénation ou choix imposé est « l’opération qui préside à la naissance du sujet sous la domination du signifiant, ce n’est pas sans chercher à se tenir à distance d’un certain discours théorique alors en voie d’expansion »[2].

La mise à nu de l'art : le caractère monstratif du ready-made. Avec Marcel Duchamp, le ready-made révèle non seulement l'œuvre comme relationnelle mais comme contextuelle : ce n'est plus un ouvrage d'artisanat du plus haut niveau (avec production de couleurs fines, etc.), mais une œuvre capable de nous renvoyer directement à ce que nous vivons. L'œuvre elle-même n'est plus réalisée manuellement, mais codée et réduite à sa matière première.

L'approche existentielle. Alors fermons l'oreille sur une critique technique pour entendre l'extraordinaire être d'une question, dont les termes semblent donc inappropriés à leur application naturelle précise. De cette manière, nous obtenons une notion ineffable, exaltée qui se trouve totalement sans aucune classification, difficile à détecter et à comprendre.

Notes

  1. « Cette aliénation, mon Dieu, on ne peut pas dire qu’elle ne circule pas de nos jours. Quoi qu’on fasse, on est toujours un petit peu plus aliéné, que ce soit dans l’économique, le politique, le psychopathologique, l’esthétique, et ainsi de suite. Ca ne serait peut-être pas une mauvaise chose de voir en quoi consiste la racine de cette fameuse aliénation. » Jacques LACAN, Le Séminaire. Livre XI : Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, Paris, Seuil, 1973, p. 191.
  2. Sophie GENET, « L’aliénation dans l’enseignement de Jacques Lacan. Introduction à cette opération logique et à ses effets dans la structure du sujet », Tracés. Revue de Sciences humaines [En ligne], 14, 2008, mis en ligne le 30 mai 2009, consulté le 08 mars 2021. URL : http://journals.openedition.org/traces/383 ; DOI : https://doi.org/10.4000/traces.383